mardi 14 juin 2011 à 20h

"Quand parler de victimisation revient à occulter les discriminations ethniques", conférence-débat avec le sociologue Olivier Noël

proposée par le collectif D'ailleurs nous sommes d'ici de Montpellier

Le collectif D'ailleurs nous sommes d'ici de Montpellier organise une conférence-débat le 14 juin à 20h avec Olivier NOËL, sociologue, ISCRA-INED, et maître de conférences associé à l'Université Montpellier 3. Il vient de publier Sociologie politique de et dans la lutte contre les discriminations, éditions universitaires européennes, 2010, 432 p.

Son intervention portera sur « Quand parler de victimisation revient à occulter les discriminations ethniques » . Un membre de l'association des travailleurs maghrébins de France (ATMF) parlera de l'action « Justice pour les chibanis »; ces migrants âgés traqués par les caisses (CAF, CNAF, MSA) pour leur réduire leurs retraites et prestations sociales au prétexte qu'ils sont sortis du territoire français pendant plus de trois mois.

Texte de présentation de l'intervention de Olivier Noël:

L'apparition de la notion de victimisation dans le champ intellectuel et surtout médiatique est concomitante à la reconnaissance publique des discriminations au milieu des années 90. Son usage est essentiellement politique et désigne une tendance coupable des « minoritaires », engagés dans une lutte pour l'obtention de droits, à s'enfermer dans une identité de victime. Le plus souvent, les discours de ces essayistes, au rang desquels on trouve des personnes comme Pascal Bruckner ou Elisabeth Badinter ne contestent pas frontalement la légitimité de la cause (mémoire de l'abolition de l'esclavage, féminisme, lutte contre les discriminations…), ils se contentent de souligner l'outrance, l'exagération de ses porte-paroles, jugée excessive et risquée pour la cohésion de la société.

Ce qui est inquiétant, c'est le succès politique de la « victimisation » reprise de façon plus ou moins consciente par des institutions publiques (comme le Haut Conseil à l'Intégration) ou privées (comme l'institut Montaigne) mais aussi par des chercheurs, y compris certains s'inscrivant dans une science sociale critique. Sur le plan politique, la lutte contre la « victimisation » tend même à remplacer la lutte contre les discriminations. Tour de magie qui permet de passer sous le tapi la question de l'égalité.

Plusieurs expériences d'ateliers de travail (au sein de centres sociaux ou de missions locales) avec des jeunes confrontés aux discriminations, permettent d'affirmer que la logique de victimisation si souvent invoquée, tant redoutée n'est jamais présente, ce qui prévaut dans la parole des jeunes c'est de la pudeur, de la nuance, de la lucidité, un discernement, discernement qui semble largement faire défaut à celles et ceux qui invoquent la logique de victimisation a priori.

Ce que vient mettre au jour cette logique quasi obsessionnelle de la victimisation c'est l'impensé politique d'une lutte qui opposera toujours « minoritaires » et « majoritaires ». Parler de « victimisation » traduit de fait une bonne dose d'arrogance, de mépris et de conservatisme social des « majoritaires » qui ont peu intérêt à ce que les « minoritaires » revendiquent une société plus égalitaire.